M6 – DIMANCHE 5 DÉCEMBRE À 23 H 10 – REPORTAGE
La guerre au Yémen est trop rarement montrée. Encore plus du côté de la rébellion houthiste. D’ordinaire, les images sont tournées du côté de la coalition forgée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, qui contrôle les accès au pays, et des forces restées loyales au président internationalement reconnu, Mansour Hadi. L’intérêt du documentaire de Guillaume Dasquié et Nicolas Jaillard, qui ont passé plusieurs semaines en territoire rebelle, est donc de montrer l’autre versant de cette guerre. Et, au passage, de revoir Sanaa, l’une des plus belles villes au monde.
La rébellion houthiste, qui a pris le pouvoir en 2014 en envahissant la capitale, Sanaa, contrôle un territoire beaucoup plus petit que celui de ses ennemis mais où se concentrent plus de 60 % de la population yéménite. Son seul débouché maritime est le port de Hodeïda, sur la mer Rouge. L’aide humanitaire, filtrée par un sévère blocus, quand elle n’est pas détournée, y arrive au compte-gouttes et bien souvent périmée.
Ce Yémen rebelle manque de tout : nourriture, médicaments, essence, matériaux de construction. Tout est rationné et le blocus s’y déploie dans toute sa cruauté : enfants rachitiques, épuisés par la dysenterie, contaminés par l’uranium appauvri contenu dans les bombes larguées par les avions. A tout moment, les chasseurs-bombardiers saoudiens et émiratis peuvent frapper. Parfois en pleines cérémonies de mariage ou d’enterrement, causant des massacres d’innombrables civils au prétexte de viser une cible de « haut niveau ».
Un Etat fonctionnel
L’avocat français Joseph Breham accompagne les deux journalistes afin de documenter crimes de guerre, crimes contre l’humanité et cas de torture commis par la coalition en vue d’une plainte déposée au pôle traitant des génocides et crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris, contre les dirigeants de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis – amis et alliés de la France.
La rébellion chiite, soutenue par l’Iran, est loin d’être formée d’enfants de chœur. Les auteurs ne se font guère d’illusions sur ce point. Mais le mérite de leur documentaire est de donner la parole aux dirigeants houthistes, que l’on entend rarement, tels Mohammed Ali Al-Houthi, président du Comité révolutionnaire, ou Jalal Al-Roweichan, chargé des services de sécurité. Ils ont construit un Etat, peu démocratique, certes, mais fonctionnel.
Le camp progouvernemental, lui, est complètement morcelé entre états-majors saoudien et émirati, supplétifs soudanais, soldats de ce qui reste de l’armée loyaliste yéménite, milices tribales ou religieuses. Les auteurs évoquent les liens troubles entre la coalition, le vice-président yéménite Ali Mohsen, et les fondamentalistes sunnites, notamment ceux d’Al-Qaida dans la péninsule Arabique, commanditaire de l’attentat contre Charlie Hebdo. Les amis de nos amis sont parfois nos ennemis. La dure arithmétique de la géopolitique.