La Section antiterroriste de la Brigade criminelle de Paris enquête sur une ténébreuse affaire de pressions contre un avocat, et de menaces de mort, susceptible d’avoir été coordonnée depuis l’immeuble du 36 rue Botzaris. C’est-à-dire le bâtiment parisien considéré comme le quartier général français des activités criminelles du RCD, le parti de l’ex dictateur Ben Ali, objet de tant de rebondissements diplomatico-policiers ces derniers jours.
Ces découvertes judiciaires permettent peu à peu d'envisager l'importance des réseaux occultes de Ben Ali à Paris, lesquels ne semblent pas avoir disparu avec la fin de la dictature. Les investigations qui remontent jusqu’à la rue Botzaris interviennent dans le cadre d’une information judiciaire ouverte le 21 octobre 2010 par la juge Michèle Ganascia. Celle-ci s’intéresse à un homme de 32 ans soupçonné d’être à l’origine de menaces de mort contre l’avocat Thibault de Montbrial.
Le dossier judiciaire, révélé par OWNI, a déjà permis d’établir des relations entre ces menaces de mort et les intérêts d’un influent négociant tunisien défendu par Me de Montbrial. Il s'agit de Ghazi Mellouli, qui travaillait autrefois aux côtés d'Habib Ben Ali, alias Moncef, frère aîné du président Ben Ali.
Organigrammes et réseaux parisiens
Après quelques années d'une coopération étroite à l’intérieur du sérail tunisien, Ghazi Mellouli était tombé en disgrâce et avait perdu du jour au lendemain plusieurs activités commerciales, au profit de rivaux, les Trabelsi. Du nom de la dernière épouse de Ben Ali, qui avait réparti les principaux schémas de corruption étatique entre ses frères, en prenant soin d’évincer les autres courtisans.
Déterminé à faire valoir ses droits, Ghazi Mellouli a demandé à Thibault de Montbrial de le défendre contre les Trabelsi. Et à écouter le récit de cet homme d’affaires tunisien, sa détermination à retrouver ses biens lui aurait déjà valu une tentative d’assassinat au couteau, perpétrée le 18 novembre 2009 – un épisode confirmé par une enquête du Monde.
Lors d’entretiens avec OWNI, au mois d’avril dernier, Ghazi Mellouli avait estimé que les menaces de mort adressées à l’avocat Thibault de Montbrial étaient le prolongement "évident" des attaques qu’il avait déjà subies. Et selon lui, ces dernières étaient toutes coordonnées par un réseau tunisien, mi-mafia mi-service secret, émanant directement du RCD (le parti de Ben Ali) et dont la rue Botzaris contrôlait les faits et gestes sur le territoire français.
Dans le courant du mois d’avril, un proche de Ghazi Mellouli aurait apporté plusieurs organigrammes aux policiers décrivant les activités de ce réseau et le rôle joué par une association installée au 36 rue Botzaris. Il y a deux semaines, le parquet de Paris nous a indiqué que l’affaire était suivie par la Section antiterroriste de la Brigade criminelle de Paris.
Cet article a été initialement publié ici, sur owni.fr, le 20 juin 2011.