© Le Nouvel Obs - Édition papier du 30 janvier 2014
La justice solde un épisode de la guerre qui avait opposé les contre-espions de la DST à des agents de la DGSE
L'affaire remonte à avril 2007. Cette année-là, le quotidien « le Monde » publie une série de notes de la DGSE classifiées « secret-défense ». Elles montrent que les espions français avaient prévu, quelques mois avant le 11 septembre 2001 - avant tout le monde, donc - l'éventualité d'un attentat d'Al-Qaida par le biais de détournements d'avions. Le scoop n'est pas du goût de Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense de Jacques Chirac.
Elle demande l'ouverture d'une enquête judiciaire pour compromission de la défense nationale. La ministre y voit un bon moyen de confondre l'ancienne direction de la DGSE, proche de l'ancien pouvoir socialiste et réputée antichiraquienne, qu'elle suspecte d'être à l'origine de la divulgation de documents secrets.
Les investigations sont officiellement confiées à la DST, qui a déjà été mise discrètement sur le coup. Depuis des mois, le service de contre-espionnage cherche à manipuler le journaliste Guillaume Dasquié, auteur de l'article du « Monde ». Afin de connaître ses sources, la DST utilise un de ses honorables correspondants, le consultant en intelligence économique Jean-Charles Brisard.
Celui-ci a offert à Dasquié de lui racheter les documents pour le compte d'un cabinet d'avocats américain, moyennant une somme comprise entre 40 000 et 90 000 euros. Une rencontre entre les deux hommes se tient dans un hôtel à Roissy sous l'oeil de la DST. « Les services pensaient que mes sources allaient m'accompagner à ce rendez-vous et qu'ils pourraient les confondre en flagrant délit », raconte Dasquié. Las! Il est seul et aucune transaction financière n'a lieu.
Il remet même gracieusement à son interlocuteur les documents en question sous forme de CD-ROM. « J'en ai pris possession pour le remettre immédiatement à la DST », avouera Jean-Charles Brisard sur procès-verbal. L'enquête judiciaire, ouverte le 27 avril 2007, est confiée à la DST qui a déjà les documents en main. « Ces éléments d'information nous permettent de mieux appréhender le profil des personnes à l'origine de la compromission du document publié par «le Monde» », écrit le service dans une note du 29 mai 2007.
La DST a toujours fait semblant d'être dans le bleu. La justice, tenue en échec, vient donc de prononcer un non-lieu général contre les trois mis en examen: « le Monde », Guillaume Dasquié et Jean- Claude Brisard.
Olivier Toscer