© La Tribune, 23 avril 1999
Attention, ouvrage glauque. Redigé par Guillaume Dasquié, Secrètes affaires a la
prétention de traiter de l'espionnage économique, qu'il soit prive ou conduit
par des services d’État. Il y réussit. L’enquête n'est pas a proprement parler
improvisée. L'auteur est par ailleurs rédacteur en chef de la lettre Le Monde du
renseignement. Le lecteur se trouve donc entre les mains d'un expert.
Malgré tout, le livre, qui peut se lire aussi facilement qu'un roman de John Le
Carre, débute par une relative déception. L'auteur a en effet choisi d'allumer
l’intérêt du lecteur par un focus sur le cabinet Kroll-O'Gara, véritable
multinationale du renseignement économique, basée a New-York mais disposant de
nombreuses antennes dans le monde, dont une a Paris.
On s'attend a Big Brother, mais Kroll-O'Gara affiche un chiffre d'affaires qui
n'atteint 'que' 200 millions de dollars. La s’arrête le dépit. La société Kroll
fascine, sous la plume de Guillaume Dasquié. Elle peut intervenir dans tous les
domaines de l'intelligence économique. Ainsi lorsque, il y a quelques années, le
groupe Schneider finit par déclencher une OPA sur la société américaine Square
D, cette dernière fait appel a Kroll pour tenter de déstabiliser son homologue
français. Les premiers agissements de Kroll en France éveillent l'attention de
la DST. Le contre-espionnage français aura des lors du fil a retordre dans de
nombreuses affaires dont l'objectif est de déstabiliser une société au profit
d'une autre.
Consacrée a Kroll, la première partie permet ensuite au lecteur de comprendre
tous les excès du monde du renseignement économique, qu'il serve de riposte a
une OPA ou plus largement encore qu'il permette a une nation de défendre
prosaïquement son PIB.
Au milieu de Secrètes affaires, tout devient louche et la paranoïa guette le
lecteur. Le livre détaille ainsi comment une organisation déterminée peut aller
jusqu’à provoquer violemment l’indisponibilité d'une secrétaire de direction,
pour la remplacer par une autre, avenante et surtout cafteuse. C'est le chapitre
5 intitule 'Mode d'emploi'... A noter au passage le livre, sauf erreur, n'en
fait pas etat que la méthode qui consiste a débaucher un cadre important d'une
société concurrente, pour mieux lui soutirer les secrets commerciaux dont il est
porteur, est une coutume totalement entrée dans les mœurs des affaires.
Renseigné, oh combien, Guillaume Dasquié s'attache également à passer en revue
les différentes affaires françaises ou la magouille et le renseignement jouent
un rôle clé. L'auteur traite ainsi des aspects occultes de l'affaire Perrier,
lorsque du benzene avait ete trouve dans les petites bouteilles vertes. Dans la
guerre des soft drinks l'affaire avait coute 400 millions de francs a Perrier.
Thomson CSF, Matra, Elf, Roland Dumas... l’éclairage fourni par Guillaume
Dasquié dessille les consciences.